Bienvenue à vous ! Je vais partager ici mon expérience Erasmus à Madrid, mes découvertes et mes impressions. Bonne lecture !

jeudi 19 mai 2011

Movimiento del 15-M

Depuis dimanche dernier, un mouvement de protestation contre la politique du gouvernement et la crise financière, qui prend chaque jour une dimension plus importante, fait frémir l'Espagne. Le mouvement du 15-M (15 mai) a organisé des manifestations dans 50 villes espagnoles.

A Madrid, des milliers de personnes se sont réunies pour défiler. Arrivée à la Puerta del Sol, la place principale de la ville, elles ont été délogées par la police. Cette démonstration de force des autorités n'a fait que conforter les manifestants dans leurs propos : la dénonciation d'un gouvernement qui refuse de les écouter, le ras-le-bol généralisé face à des politiques qui ne répondent pas aux problèmes de la population. Le soir-même ils sont donc revenus sur la place de la Puerta del Sol, encore plus nombreux et avec de quoi dormir. Depuis, Sol est devenu un forum, un lieu d'expérimentation démocratique et aussi un lieu de vie pour certains. Le mouvement, lancé par l'association née il y a quelques mois Democracia real ya! (Une vraie démocracie, maintenant!) et auquel se sont joint de nombreuses micro-associations dont Joventud sin futuro (Jeunesse sans avenir, dont le slogan "Sans logement, sans boulot, sans retraite, sans peur" est évocateur) est maintenant aux mains des citoyens réunis à Sol. Ceux-ci ne veulent en effet être associés à aucun parti politique (contre lesquels ils manifestent) ni syndicat. Jusqu'à maintenant, aucune sorte de violence n'a fait intrusion dans les manifestations, que ce soit à Madrid, Malaga, Valence, Saint-Jacques de Compostelle, Barcelone ou encore Mallorque. Mardi, à Madrid, le rassemblement avait même pris un air festif grâce à quelques concerts improvisés. Les occupants de la Puerta del Sol comptent tenir la place jusqu'à dimanche, jour des élections municipales.

La mairie de Madrid a d'ailleurs adopté une résolution afin d'interdire la manifestation et y a opposé son véto pour raisons électorales, invoquant le fait qu'elle pourrait influer sur le droit des citoyens à choisir librement de leur vote. De fait, le sentiment qu'aller voter à la fin de la semaine ne servirait à rien et de plus en plus répandu. Le slogan "Ni PP, ni PSOE, nie CIU." du collectif No les votes semble avoir un impact important et laisse présager une abstention énorme dimanche prochain.Les-dits citoyens ont répondu à cette interdiction par l'article 21.1 de la Constitution espagnole qui stipule que "Le droit de réunion pacifique et sans armes est reconnu. L'exercice de ce droit ne sera pas soumis à une autorisation préalable." L'interdiction prononcée n'a cependant pas eu d'effets immédiats: la place est toujours remplie de manifestants et entourée d'un dispositif policier conséquent.
D'un côté, cet évènement est réellement impressionnant, du fait de son ampleur, de sa durée et surtout de son calme. Il est clairement préparé et organisé sur le modèle des révolutions arabes (bien entendu, pas avec les mêmes enjeux), et avant cela des manifestations étudiantes grecques d'il y a trois ans. Depuis cinq jours, les protestataires se relaient nuit et jour, assurant une veille permanente et permettant aux étudiants d'aller à l'université et aux salariés de se rendre à leur travail sans pour autant perdre le fil de la contestation. Cette capacité d'organisation et de solidarité, illustré par le mot d'ordre la foule : "Indignados y organizados", est exemplaire. Dès dimanche soir, un service de restauration gratuite, alimenté par les dons des habitants de la ville, s'est mis en place. De même, des comités ont été instaurés : alimentation, communication, logistique/nettoyage, action afin de structurer le mouvement et d'éviter les débordements. Les manifestants ont réussi a créer un mouvement de masse sans aucun bloquage (en évitant donc de se mettre à dos la population), massif, visible et médiatiaque donc efficace dans la perspective de se faire entendre par le public et les politiques. L'autre point admirable est le calme de la police. Certes, plus de 500 policiers sont mobilisés dans le centre ville. Mais en France, je suis à peu près sûre que les attirails anti-émeutes et les lacrymos auraient pollué le paysage depuis longtemps. En fait, je suis persuadée qu'un mouvement pareil n'aurait pas pu éclore.

Mais dans une certaine mesure, ce phénomène est également inquiétant. Il s'agit en effet d'un rassemblement de personnes qui se sentent totalement mises hors du système politique actuel et qui préfèrent s'organiser seules (certes très bien mais en-dehors de tout cadre institutionnel de la société). Le fait qu'elles ne se reconnaissent dans aucune formation politique ou syndicale est un signal fort de la difficulté qui attend les responsables espagnols et de l'incapacité des institutions à répondre aux problèmes de la population. Et du point de vue français, ce n'est pas vraiment encourageant lorsqu'on sait qu'ici la gauche est au pouvoir depuis sept ans et que la situation sociale est la même, voire pire à certains égards, qu'en France (44,6% de chômage chez les 20-25 ans en février). Dans la manifestation actuelle, une forte majorité de "ni-ni" est représentée : ni PSOE (équivalent PS) ni PP (équivalent UMP). Dans la foule on trouve aussi bien des étudiants d'une vingtaine d'années, que des jeunes diplômés au chômage, ou encore des cinquantenaires en situation précaire. Toute une population qui revendique le droit à une vraie démocratie tout en rejetant les institutions démocratiques en place.

Il ne reste plus qu'à attendre dimanche et voir les résultats des élections. Et après ça,  voir comment la situation va évoluer...
"Je ne suis pas anti-système. Le système est anti-moi."

!Democracia real ya! : http://democraciarealya.es/?page_id=88
Joventud sin futuro : http://www.juventudsinfuturo.net/
No les votes : http://www.nolesvotes.com/
Portfolio des rassemblements dans tout le pays - El Pais : http://www.elpais.com/fotogaleria/Protesta/Movimiento/elpgal/20110517elpepunac_3/Zes/40

6 commentaires:

  1. Bonjour

    merci de votre "papier" il est bien documenté, mais manque de références. Pourriez-vous ajouter des liens sur les sources de chacune des informations que vous avancez ? Ce serait alors parfait.

    Cordialement

    Jean Houtisse jean.houtisse@free.fr

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  2. Vraiment intéressant. Et problèmatique sur "l'incapacité des institutions à répondre aux problèmes", comme tu le dis. En Espagne comme en France, ça doit nous interpeller...

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  3. @Jean Houtisse :
    Je vous remercie de votre intérêt.
    Je tiens cependant à rappeler que je ne suis pas journaliste et que j'ai écrit cet "article" en tant qu'observatrice après avoir remarqué l'absence d'informations sur le sujet dans les médias français (vide qui est en train de se combler).
    Pour écrire ce texte j'ai pris appui sur ce que j'ai pu voir sur place, des discussions que j'ai pu avoir avec des amis espagnols et mes expériences de manifs en France pour ce qui est de la comparaison entre les deux pays. J'ai complété ces impressions par des faits et des chiffres relatés dans El Pais ainsi que sur les sites dont j'ai indiqué les adresses à la fin du texte.
    Cordialement,
    Marie

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  4. Bonjour,

    je suis espagnole et je crois que votre article reflète très bien la situation en Espagne. Par contre, je crois que vous n'utilisez pas bien le terme "ni-ni" dans cet article, car la génération "ni-ni" est une génération qui ne veut rien faire: ne pas travailler, ne pas étudier.... une génération plutôt fénéante, qui s'enfout de tout (des enfants gâtés par ses parents) et les gens qui se sont manifesté à Madrid sont vraiment concernées par la situation précaire qui se déroule maintenant en Espagne. Ce sont des gens avec des études, des chômmeurs à longue durée, des gens préparée mais sans espoir, rien à voir avec les "ni-ni" (et il y en a aussi beaucoup des "ni-ni" en Espagne.

    En tout cas, felicitations pour l'article.

    Bon courage pour le reste de l'année à Madrid.

    Cordialement,

    Une Espagnole aussi déçu par le système...

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  5. Vous avez raison, j'ai mal exprimé mon idée. Je m'excuse de la confusion.
    En tout cas, merci de vos encouragements. Et même si le système est décevant, vous pouvez être fière d'être Espagnole aujourd'hui. Jusqu'à présent, le mouvement se déroule dans le calme et fédère toujours plus : c'est un succès!

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  6. Coucou Marie, ton article est très bien. Je te conseille si tu veux de regarder ce qui s'est passé au Portugal en Mars. Une grande manif organisé par facebook qui a réuni plus de 300 000 personnes rien qu'à Porto et Lisbonne et 80 000 dans les autres villes. Un mouvement qui avait pour caractéristique d'etre apartidario e pacifico, comme visiblement en Espagne. Enfin, les gens ont compris que les partis politiques ne sont que superficiels et corrompus et que le vrai combat est celui du peuple. Et en ce qui concerne la Grèce, le mouvement continue toujours, j'y étais le week-end dernier, et même à 21h du soir les gens manifestent. Je te rejoins dans une idée c'est qu'on en parle pas assez en France. En effet ce qui s'est passé au Portugal n'a eu aucune ampleur ici et je suis contente qu'au moins avec l'Espagne, on commence à ouvrir les yeux sur une réalité qui touchera aussi bientôt la France.
    En tout cas j'espère que tout se passe bien pour toi. JE t'embrasse
    Lisa Gomes

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